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Questions/réponses avec un modéliste : Rocco MORELLO

Rocco Morello, vous êtes né le 09/04/1997 à Sète, vous vivez à Paris depuis cinq ans où vous avez effectué vos études à la prestigieuse école de mode ESMOD, et vous travaillez actuellement depuis deux ans.


1°/Comment choisit-on de devenir modéliste plus que styliste lorsqu'on intègre la prestigieuse école ESMOD Paris ?

RM : Au commencement c'était dans l'optique de devenir styliste. Mais, l'école proposant la filière styliste + modéliste, j'ai pu suivre les deux formations. Le dessin étant une vraie passion depuis toujours, je me suis amélioré dans le détail pour atteindre presque la perfection. Ayant d'excellents professeurs, j'ai appris la conception d'un vêtement, tout d'abord à partir d'une toile (à plat ou en moulage), la réalisation d'un patron et le montage du vêtement fini, dans son tissu définitif. C'est cet aspect qui m'a interpellé : construire moi-même un vêtement du début à la fin a révélé un côté de la mode que je ne soupçonnais pas. J'ai donc vite été convaincu de me diriger davantage vers le modélisme plus que vers le stylisme. De plus, devant la complexité et le savoir-faire que requiert le modélisme, je savais que j'aurais plus de chance d'intégrer une maison de couture avec un tel bagage.


2°/Comment se déroule le parcours ESMOD ? :

RM : Durant trois ans j'ai eu la chance de rencontrer des professeurs qui m'ont transmis leur savoir et leur passion. Le cursus se déroule en trois années. Le modélisme et les bases du dessin stylistique sont au coeur de la première année. A l'issue de cette première année, nous devons être capable de réaliser 1 jupe, 1 chemise, 1 robe. Au cours de la 2e année, la conception du pantalon, la veste tailleur et le trench est de rigueur. L'univers créatif est alors sollicité chaque seconde pour se distinguer. C'est à la fin de cette année que l'on peut choisir une spécialisation (prêt-à-porter homme/femme et accessoires) et pour ma part je me suis tourné vers la Haute Couture, appelée Couture traditionnelle, réputée être la spécialisation la plus compliquée de l'école. Le challenge étant de réaliser une collection de vêtements de 4 tenues et de 9 pièces au total. C'est l'année la plus enrichissante mais la plus éprouvante aussi car nous devons travailler en parfaite autonomie créative et réalisatrice.



3°/Quel est le moment préféré d'une collection pour un modéliste ?

RM : Pour moi c'est le début de la collection car on vient de terminer la précédente (et c'est toujours éprouvant), et l'on découvre les nouveaux dessins. C'est un moment magique pour nous modélistes car ça marque le début du chemin à la concrétisation des dessins et donner vie à des prototypes, enfin bien réels.

C'est à l'issue de la coupe et du montage des premières toiles que la Collection commence à prendre sa forme finale, en passant par les essayages et les transformations. Le styliste ayant donné les bases des éventuels modèles, le modéliste, lui, crée le volume et décide de l'aboutissement du dessin. L'accord entre le styliste et le modéliste reste majeur.





4°/Vous qui avez contribué à certaines collections telles que celles de Christian Dior, Ingie Couture et maintenant Kitsuné, Pensez-vous qu'il y a une seule et même façon de travailler le modélisme ou est-ce propre à chaque Maison de couture ?

RM :Il y a surtout différents types de prêt-à-porter :

  • Christian Dior : en Haute Couture la création est répartie sur différents ateliers, à savoir l'atelier "tailleur" pour les vestes/tailleurs/pantalons, et l'atelier "flou" pour les robes et les jupes. Ainsi la collection n'est jamais gérée par un seul groupe de personnes puisque les différentes parties de la Collection requièrent un savoir-faire spécifique pour chacune de ces pièces. Un atelier pour chaque tenue.

  • INGIE : Marque de prêt-à-porter luxe. La collection est produite majoritairement dans l'unique atelier de l'entreprise, ce qui oblige ses modélistes à avoir une main experte aussi bien dans le "tailleur" que dans le "flou". Cependant INGIE PARIS utilisant des techniques de la Haute Couture, une partie des pièces finales peuvent être réalisées par les modélistes eux-mêmes. Ce qui n'est pas le cas en Haute Couture car cette discipline est réservée à un corps spécifique à savoir "les mécaniciennes", qui assemblent le vêtement dans leur tissu final.

  • KITSUNE : c'est l'entreprise pour laquelle je travaille actuellement. Les méthodes sont radicalement différentes car son style appartient au streetwear. De ce fait les collections sont plus complètes et nécessitent un agenda quotidien plus condensé à l'inverse du luxe et de la Couture. Très peu d'essayages sont nécessaires. Les collections Printemps/Eté et les collections Automne/Hiver demandent un essayage hebdomadaire au cours duquel on essaie les toiles sur modèles vivants et on décide ensuite si on conserve, modifie ou annule la pièce. A ce moment très précis, les commentaires du styliste et du directeur artistique sont pris en compte, ce dernier ayant toutefois le maître mot sur l'évolution voire les changements qui peuvent être apportés. C'est au cours de ces essayages que le binôme styliste/modéliste opère et définit la direction de la collection.



5°/ Durant ces dernières semaines, où la France a arrêté de respirer ainsi que la planète, quel a été votre état d'esprit sur votre vie du moment, vos interrogations sur votre vie future et avez-vous eu ou avez-vous encore quelque inquiétude sur le devenir de la Mode ?

RM : Le plus gros impact que la COVID a eu sur la Mode est la perte de visibilité par le manque de défilés, de fashion week, de standby pour tous ceux qui travaillaient depuis plus de 6 mois sur les collections, de showrooms qui sont principalement fréquentés par une clientèle internationale (Asie à l'occurrence). Ce qui amène à revoir le concept de showroom (3D et visioconférence). La manière de travailler a évolué à cause de la distance entre les équipes au détriment du toucher. Les interactions étant de ce fait limitées, une bonne communication est nécessaire envers le styliste. Une autre manière de communiquer et de transmettre. Nous avons été amenés à modifier la manière d'expliquer les changements sur un produit fini et agir. Ce qui n'est pas négatif du tout car notre travail est construit alors sur la confiance qui règne dans la symbiose du binôme styliste/modéliste. Ainsi cette confiance se répand entre les équipes.

Malgré les événements je n'ai aucune inquiétude sur l'avenir de la Mode. Evolution ne veut pas dire disparition. Un confinement ne peut pas avoir raison de la Mode. Elle s'adapte à chaque événement, politique ou guerre même sanitaire. N'étant composée que de passionnés, chacun oeuvre à sa continuité.

La COVID a obligé la Mode à évoluer et trouver des solutions. Ca reste donc dans l'ADN de la Mode de se renouveler.

Dans ces moments critiques, je me tourne vers l'Art et en ce moment je crée des poupées fantastiques, celles que j'ai toujours cherchées et qui n'existaient pas.




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